En riposte au Black Friday (le 27 novembre), journée consacrée aux promotions, le collectif Green Friday propose un modèle alternatif de consommation. Le contexte de crise génère des attitudes contradictoires chez les acheteurs. 3 questions à Diane Scemama, co-fondatrice du collectif Green Friday.

Quel est l'objectif de l'opération Green Friday, réponse au Black Friday  ? 

Les promotions représentent certes une promesse alléchante, mais elles posent une vraie question sur le prix des produits : si j'achète un produit 80% moins cher un jour, est-ce que je n'achète pas trop cher le reste de l'année ? Il faut peut-être acheter mieux, des produits qui vont durer plus longtemps... C'est pour promouvoir la consommation responsable qu'il y a quatre ans, nous avons créé le collectif Green Friday. Nous sommes quatre membres fondateurs*, tous engagés dans cette démarche. Pour nous, le Black Friday, c'est un peu le symbole de la surconsommation. Cette pratique vient des USA, où elle est tellement instaurée que les salariés vont jusqu'à prendre un jour de congé afin de se rendre dans les enseignes qui pratiquent de très grosses promotions. Aujourd'hui, c'est le secteur de l'électronique qui est le plus concerné, suivi des jeux et des jouets. 

Concrètement, comment faire évoluer la société, et est-ce que cela fonctionne ?

Nous nous adressons à la fois aux citoyens et aux entreprises. Vis à vis de ces dernières qui souhaitent nous rejoindre, nous avons des critères très exigeants : le jour du Green Friday, elles doivent reverser 10% de leur chiffre d'affaires au bénéfice d'associations et nous leur demandons de ne pas réaliser de promotions durant l'année. Quant aux citoyens, nous les invitons à s'interroger sur leurs modes de consommation, nous les aidons à consommer mieux.  Jusqu'à présent, le jour du Green Friday, nous avons organisé des événements physiques. Cette année, ce seront des conférences et des ateliers en ligne. Par exemple comment choisir un produit électroménager en fonction de son impact environnemental, ou apprendre à lire l'étiquette d'un vêtement. Le message porte de plus en plus. En quatre ans, 400 structures nous ont rejoints et nous avons 300.000 visiteurs uniques par mois sur notre site Internet. Il existe déjà d'autres mouvements, par exemple aux USA. Et d'autres initiatives se lancent.

Les bouleversements actuels sont-ils favorables aux valeurs que vous prônez ? 

Une récente étude de Havas consacrée à l'évolution de la consommation française par rapport à la crise, montre une évolution paradoxale. D'une part, 70% des personnes disent vouloir changer radicalement de consommation, pour aller vers plus de local, moins consommer et mieux. De l'autre, l'étude montre un besoin de décompression, une envie de consommer vite et n'importe quoi. Pour les fêtes de fin d'année, les sirènes de la consommation sont fortes, alors que le petit commerce local n'est pas accessible, l'offre en ligne alternative peu visible, et Amazon de plus en plus fort... A court terme, il est probable que cette tendance bénéficie à une consommation débridée. Toutefois, en profondeur, il me semble que nous allons vers une consommation plus raisonnée et réfléchie. Nous avons encore besoin de faire passer le message : pour beaucoup, consommer responsable, c'est consommer plus cher. Or, acheter des produits de seconde main, ou des produits électroniques reconditionnés (avec garantie), par exemple, revient beaucoup moins cher... 

*Altermundi, réseau de boutiques physiques ( marques éthiques), DreamAct, e-boutique des marques engagées, ENVIE, acteur de l'insertion sociale dans l'économie circulaire, REFER réseau de ressourceries et recycleries en Ile-de-France.

 

Anne Daubrée (DSI)