Depuis le début de la crise sanitaire, un phénomène, loin d’être nouveau, s’est amplifié : la vente fictive ou frauduleuse de matériel médical, souvent non-homologué, et le blanchissement de capitaux.

Face à la crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid-19 et des risques LBC-FT (lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) qu’elle génère, TRACFIN, organisme du ministère de l’Economie et des Finances chargé de la lutte contre la fraude, se mobilise. L’organisme a en effet récemment mis à disposition des professionnels assujettis au dispositif LCB-FT une analyse des signalements reçus et des principaux risques de fraude et de blanchiment des capitaux correspondants. Ce document, disponible en ligne (economie.gouv.fr), doit permettre aux professionnels de renforcer leur vigilance sur les risques spécifiques liés à la pandémie et de préciser les critères d’alerte à mettre en place dans leur cartographie des risques. Depuis le début du mois de mars 2020, TRACFIN a traité une centaine de déclarations de soupçons et externalisé une vingtaine de dossiers à ses partenaires (autorités judiciaires et autres administrations) liées directement ou indirectement à la crise du Covid-19. Deux principaux constats ressortent de l’analyse de ces informations. Tout d’abord, la pandémie a créé les conditions propices au développement d’escroqueries spécifiques au commerce de matériels sanitaires fictifs ou non conformes. Deuxièmement, la multiplication des commandes de matériels médicaux crée de nouvelles opportunités pour adapter des escroqueries communément rencontrées, telles que les faux ordres de virement et le détournement de dispositifs étatiques mis en place en réponse à la crise. Un phénomène accentué avec la période de déconfinement impliquant le port du masque obligatoire dans certains lieux publics.

Vente frauduleuse de matériels sanitaires

Les fraudeurs profitent de la demande accrue en matériels sanitaires, notamment en gel hydroalcoolique, masques et appareils respiratoires. Le mode opératoire est simple et efficace : le fraudeur se fait passer pour un fabricant ou un fournisseur de matériels sanitaires pour duper son interlocuteur. Une fois transmis par les acheteurs, les fonds sont rapidement transférés au profit des comptes personnels des fraudeurs, sous couvert de fausses factures, et les produits commandés ne sont jamais livrés. Les cibles de ces fraudes sont diverses : elles concernent tant des hôpitaux et pharmacies, que des entités, publiques ou privées, qui désirent équiper leurs salariés ou agents (entreprises de secteurs d’activité variés poursuivant ou reprenant leur activité économique ou collectivités territoriales en pleine gestion du déconfinement). Autre risque majeur, la non-conformité du matériel commandé. Les investigations réalisées par TRACFIN montrent en effet que de nombreuses entreprises, non spécialistes dans le domaine médical, se livrent à une activité de commerce de masques et autres matériels médicaux depuis le début de la crise sanitaire. Dans ces circonstances, les matériels sanitaires livrés par des sociétés non spécialisées soulèvent des risques importants de non-conformité en termes de qualité, de prix et de respect des réglementations relatives à l’import/export de matériel sanitaire.

Des caractéristiques communes aux fraudeurs

Le secteur du médical et du sanitaire n’est pas le seul à être détourné. De nombreuses escroqueries on aussi vu le jour en matière d’appels aux dons, de virements et même concernant le dispositif de prêt garanti par l’Etat (PGE). Adoptant une stratégie d’hameçonnage, les fraudeurs créent des noms de domaine ou adresses électroniques invoquant l’administration publique et prétextent des fonds de solidarité fictifs pour recueillir les dons au détriment de leurs victimes. Dans la plupart des cas, les schémas observés présentent des caractéristiques communes et permettent la mise en exergue de certains critères d’alerte. Attention donc aux fautes d’orthographe repérées dans les mails et sur les sites en ligne, aux noms de domaine récemment acquis et aux sites proposant un nombre de produits restreint. Il faut également se méfier des sociétés de création récente ou réactivées récemment après une mise en sommeil. L’absence de flux financiers confirmant la commande de matériel sanitaire auprès d’un fournisseur est aussi un indicateur à prendre en compte. Enfin, gare aux circuits de règlement fragmentés associant plusieurs moyens de paiement (lettres de crédit, rémunération d’intermédiaires...) à destination de comptes particuliers ou situés à l’étranger. Pour tenter de palier le problème, une cellule anti-fraude a donc été mise en place le 2 avril dernier par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) pour veiller à la qualité des fournisseurs des collectivités territoriales et des établissements publics. Elle a pour objectif d'organiser le traitement des demandes faites par les comptables publics locaux depuis la fin du mois de mars.