[LEXBASE] Une société d’avocat ne peut se prévaloir d'une convention d'honoraires de résultat qui n’a pas été conclue à son profit mais à celui d’une précédente société placée en redressement judiciaire et dès lors facturer des honoraires aux clients.

 

imagepar Marie Le Guerroué, le 07-05-2021
Lexbase avocats n°314 du 6 mai 2021 : Avocats/Honoraires

 

Réf. : CA Rennes, 20 avril 2021, n° 21/00487 (N° Lexbase : A92014PH)

Faits et procédure. Des époux avaient saisi un avocat, membre d’une Selarl, pour introduire une action en nullité de vente immobilière devant le tribunal de grande instance de Nantes.
Une convention d'honoraires avait été signée avec la Selarl.
Quelques semaines avant l'audience, le cabinet avait adressé à ses clients un document (convention datée du 12 février 2019) qu'ils ont signé, prévoyant que les honoraires de résultat porteront sur la totalité des sommes récupérées. Le tribunal de grande instance de Nantes a rendu un jugement annulant la vente.
Insatisfaits des explications de leur conseil quant à la convention datée du 12 février 2019, les époux l'ont déchargé. Le cabinet a adressé à ceux-ci une facture comprenant l'honoraire de résultat et certains frais. Refusant de payer cette facture, les époux ont saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Nantes d'une contestation d'honoraires. Ils forment un recours contre son ordonnance.

Réponse de la cour. La cour relève que les époux ont signé deux actes qualifiés de conventions d'honoraires les 26 août 2015 et 12 février 2019 avec la Selarl et les deux premières factures d'honoraires ont bien été émises par cette société. En revanche, la facture d'honoraires de résultat émane d'une autre société, une seconde Selarl (la précédente a été placée en redressement judiciaire) avec laquelle aucune convention d'honoraires n'a été signée. Bien que saisi de la contestation de cette dernière facture (et d'elle seule) et que cette contestation était expressément dirigée contre la seconde Selarl ainsi qu'il résulte tant de l'acte de saisine que du mémoire en réponse au Bâtonnier par les consorts, la cour relève que celui-ci a, curieusement dans sa décision, totalement ignoré la société qui avait facturé la prestation pour fixer les honoraires dus par les clients à telle somme au bénéfice de l’avocat, les condamnant à la lui payer.

  • Méconnaissance des termes de sa saisine par le Bâtonnier. En premier lieu, la cour relève que dans sa décision, le Bâtonnier a méconnu les termes de sa saisine en faisant totalement abstraction des structures d'exercice de l'avocat dont, en sa qualité, il ne pouvait ignorer ni l'existence ni le statut juridique. Dès lors, l'ordonnance rendue au profit de l’avocat, qui n'a émis en son nom personnel aucune facture d'honoraires, ne peut qu'être infirmée.
  • Erreur de créancier. En second lieu, la cour rappelle que c'est la première société qui a représenté devant le tribunal de grande instance de Nantes et jusqu'après le prononcé de la décision les consorts, et que cette société n'a nullement disparu ou changé de dénomination mais, en revanche, fait l'objet, depuis un jugement du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, d'une procédure de redressement judiciaire ayant fixé la date de cessation des paiements au 7 octobre 2019. Ce jugement a autorisé la poursuite d'activité de cette société, poursuite renouvelée pour une période de six mois par jugement du 11 décembre 2020. Si l’avocat et la seconde Selarl prétendent que cette dernière bénéficie d'un mandat tacite et que, pour des raisons de commodité de gestion, elle recouvre les sommes dues, cette analyse ne peut être suivie dès lors que la facture n'émane pas de la créancière potentielle, mais d'une société tierce qui, dès lors, recouvre pour son propre compte. Or, cette société ne pouvant se prévaloir d'une convention d'honoraires de résultat conclue à son profit ne pouvait facturer des honoraires de résultat aux époux.
  • Infirmation. La cour estime donc qu'ils ne sont pas redevables de tels honoraires envers la seconde Selarl et infirme l'ordonnance rendue par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Nantes.