[LEXBASE] Est sanctionnée par une amende civile de 2.000 euros, l’avocate qui avait exercé un recours empreint d'abus et de malice contre la décision du Bâtonnier lui imposant de restituer à sa cliente la somme de 2.040 euros.

imagepar Marie Le Guerroué, le 06-11-2020 pour Lexbase
Le Quotidien du 6 novembre 2020 : Avocats/Honoraires

Réf. : CA Paris, 19 octobre 2020, n° 17/00512 (N° Lexbase : A19683YK)

 

► Est sanctionnée par une amende civile de 2.000 euros, l’avocate qui avait exercé un recours empreint d'abus et de malice - ainsi que le corrobore la production d'un faux projet de requête - contre la décision du Bâtonnier lui imposant de restituer à sa cliente la somme de 2.040 euros (CA Paris, 19 octobre 2020, n° 17/00512 N° Lexbase : A19683YK).

Procédure. Une cliente et son avocate avaient signé une convention d'honoraires au forfait relative à l'assistance de la première dans un litige familial impliquant le dépôt d'une requête en divorce et la plaidoirie s'y rapportant. Les parties convenaient ainsi que les diligences de l'avocat relatives à une requête en divorce seraient rémunérées par un forfait de 3.000 euros TTC.  Le mois suivant, la cliente, ayant renoncé à son projet de divorce, avait dessaisi l’avocate de sa mission. N'ayant pas obtenu restitution de la somme acquittée, la cliente avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris qui avait fixé les honoraires de l’avocate à la somme de 960 euros TTC et avait dit que l’avocate devait restituer la somme de 2.040 euros à la cliente. L’avocate avait formé un recours contre cette décision.

  • Sur la clause de dédit

L’avocate fait valoir que la somme de 3.000 euros qu’elle réclamait correspondait à une clause de dédit dont la validité échappe au contrôle du Bâtonnier et qui ne constitue pas une clause pénale susceptible d'être réduite. Elle demande que la décision du Bâtonnier soit réformée et que la cliente soit déboutée de sa demande de restitution. La cliente soutient, elle, que l'avocate n'avait fait aucune diligence dès lors qu'elle-même n'avait même pas encore réuni toutes les pièces nécessaires lorsqu'elle a renoncé à son projet de procédure de divorce.
Réponse de la cour. Il n'est pas contesté que le dessaisissement a eu lieu un mois après la signature de la convention d'honoraires. La cour rappelle aussi qu’il n'entre pas dans les attributions du Bâtonnier ni du premier président statuant à sa suite d'apprécier la validité d'une telle clause. Pour autant, la convention dont l’avocate se prévaut et qu'elle a rédigée rappelle expressément que son exécution et son interprétation relèvent des attributions du Bâtonnier. En l'espèce, la convention mentionne qu'une indemnité de dédit « est due par le client qui retire son dossier en cours de procédure ». S'agissant d'une mission confiée pour introduire une action en justice, le terme « procédure » fait nécessairement référence à la procédure judiciaire envisagée. Or, la cour relève qu’il est constant que l’avocate n'a engagé aucune procédure. Elle estime donc que la clause de dédit n'a pas vocation à s'appliquer.
 

  • Sur le calcul des honoraires sur la base horaire

La cour ajoute qu’après avoir indiqué que les honoraires de l'avocat étaient fixés à une somme forfaitaire de 3.000 euros TTC dont le paiement avait été exigé dès le premier rendez-vous avec le client, la convention mentionne à plusieurs reprises qu'en cas de rupture de la convention, les parties renoncent au caractère forfaitaire des honoraires qui seront calculés uniquement sur une base horaire.
Dès lors l'indemnité de dédit qui, selon le contrat, « correspond aux honoraires restant à courir » et qui n'est chiffrée par aucune autre disposition contractuelle ne peut être fixée au montant du forfait d'honoraires initialement fixé et auquel les parties ont renoncé.
C'est donc à tort, pour la cour, que l’avocate soutient que la somme de 3.000 euros lui est due à titre de clause de dédit.

  • Sur la rémunération du projet de requête

Le Bâtonnier avait retenu que l’avocate justifiait de la préparation d'un projet de requête qui devait donner lieu à rémunération à hauteur de la somme de 960 euros TTC. Or, tandis que l’avocate ne conteste pas ne pas avoir transmis à sa cliente - avant d'être dessaisie de sa mission - le projet de requête qu'elle verse aux débats, il apparaît que ce projet de requête ne contient aucun élément de fait relatif à la situation de la cliente mais des éléments relatifs à la situation matrimoniale, familiale et financière d'une autre personne, seule la première page faisant mention de la cliente.
Ces circonstances corroborent très sérieusement l'affirmation de la cliente selon laquelle ce document a été élaboré pour les seuls besoins de la demande formée devant le Bâtonnier, l'intéressée indiquant qu'elle n'avait pas encore transmis à l'avocat les éléments relatifs à sa situation personnelle lorsqu'elle l'a dessaisi de sa mission. Il s'induit, pour les juges du fond, que l’avocate n'avait, en réalité, procédé à aucune diligence et qu'elle ne peut prétendre à la moindre rémunération.
Réformation. Réformant la décision du Bâtonnier, la cour fixe à 0 euro la rémunération de l’avocate et ordonne à celle-ci de restituer à la cliente la somme de 3.000 euros.

Amende civile. En application de l'article 32-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6815LE7), celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile. La cour en déduit que le recours exercé par l’avocate contre la décision du Bâtonnier qui lui imposait de restituer à sa cliente la somme de 2.040 euros est empreint d'abus et de malice ainsi que le corrobore la production d'un faux projet de requête. Pour la cour, cet abus émanant d'un auxiliaire de justice doit être sanctionné par une amende civile de 2.000 euros.